lundi 22 août 2011

Le pied à l'étrier

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La veille de notre départ à cheval, nous avons dormi chez notre « horseman », Bavuu, le propriétaire des chevaux, non loin des chutes d'eau d'Orkhon. La famille possède trois ou quatre yourtes, ainsi qu'un beau troupeau de chèvres et de moutons. Nous y sommes arrivés le soir, après nous être essayés, Sébastien et moi, au tir-à-l'arc, au bords des chutes, l'un des sports mongols les plus populaires, avec la lutte et, bien entendu, les courses de chevaux.
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Dans la famille, il y a quatre enfants: trois filles de treize, dix et six ans, ainsi qu'un petit garçon adorable d'un an et demi. L'ainée, Aydè, parle un peu anglais, et nous explique que les enfants des familles nomades vont à l'école dans une ville où ils y restent à l'année, et ne voient donc leur famille que pendant les vacances scolaires. Nous mettons du temps à comprendre que le petit dernier est un garçon. Avec ses cheveux longs, il ressemble plutôt à une fille, et pour cause, la tradition veut qu'on ne coupe les cheveux des garçon pour la première fois qu'après leur 3 ans, et après leur 4 ans pour les filles.
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Les enfants mongols mûrissent plus vite que chez nous: Aydè s'occupe de son petit frère comme une vraie maman, et aide sa famille avec le travail quotidien (traite des bêtes, couper le bois, cuisiner, accueillir les hôtes, aller chercher l'eau à la rivière, etc.) comme une adulte.
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A notre arrivée, nous somme invités dans la yourte principale où la famille nous offre du thé mongol, avec le plat préféré des mongols, le tsuivan. Ce sont des galettes de blé coupées en fines lamelles après avoir été cuites à la vapeur, pour être sautées avec du mouton et des légumes. Bien sûr, il y a aussi du fromage dur comme de la brique. Mais c'est très bon!
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Nous dormons dans l'une de leurs yourtes, dans des lits en bois alignés le long des « murs » en feutre. Au milieu de la pièce, crépite le poêle qu'Aydè est venue allumer à l'occasion de notre passage.
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Le lendemain matin, nous faisons connaissance avec nos deux Horsemen: Le boss, Bavuu, la quarantaine, fort et robuste, un vrai mongol, et un jeune homme de 18 ans, Chuluun, timide et au visage sérieux et fermé. Je suis la seule à n'être jamais montée à cheval. Sébastien, à peine mieux, se rappelle avoir passé une heure sur un petit cheval lors de son adolescence... Les trois autres prétendaient avoir plus d'expérience et être relativement à l'aise. Les chevaux mongols sont un peu plus petit que ceux que l'on a en Europe, mais sont aussi plus nerveux et sauvages... Nous nous laissons tout de même influencer pour étendre la durée du trek à cheval de 3 à 5 jours ! Espérons que nous ne le regretterons pas...
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Chuluun
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Notre caravane de 10 chevaux commence cette balade sous un soleil de plomb et un immense ciel bleu. Nous sommes 8 cavaliers (nous cinq, Bogui, et les deux horsemen), et avons deux chevaux de bat, pour nos affaires et la nourriture. Chuluun s'occupe bien de moi, et surveille mon cheval de près. Il faut préciser qu'il est jeune et n'a pas l'air d'être complètement dressé (c'est du cheval que je parle!). Il lui arrive donc de faire des trucs bizarres, comme changer de direction sans que je le lui demande, ou encore partir au galop sans raison! Bref, pas cool pour une débutante. Mais à chacun de ses pétages de plomb, ça se passe bien, le jeune Chuluun réagit tout de suite afin de calmer l'animal.
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Sébastien, lui, est très à l'aise sur son cheval, dès les début. Et lui aussi a adoré les chevaux qu'on lui avait confié. Il a nommé son premier cheval Patte blanche (nous changerons de chevaux, par la suite), contrairement à la tradition mongole. Dans ce pays, les chevaux sont trop nombreux pour être baptisés.
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Monter à cheval est en fait un exercice très physique. Il faut dire que nos selles sont plus ou moins artisanales: planches en bois, et coussin... moins dures que les effrayantes selles mongoles, mais définitivement moins confortables que les véritables selles occidentales en cuir!
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Les trois premiers jours, nous avons très mal aux genoux, mais la première journée est la plus difficile: coccyx, abdos, cuisses, dos, c'est tout le corps nous fait mal. Mais nos muscles apprennent rapidement les postures. Ce n'est pas étonnant que les Mongols - hommes, femmes ou enfants - soient aussi forts. On dit qu'un Mongol naît sur une selle de cheval. Dès 4 ou 5 ans, les enfants sont déjà des cavalier expérimentés. Il n'y a qu'à les voir galoper lorsqu'il ont la tâche de ramener les troupeaux au camp.
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Lors de ces cinq journées à cheval, nous traverserons donc le parc des Huit Lacs, une zone accessible seulement à cheval. Même un Uaz avec un Ishka n'y passent pas! Sur une centaine de kilomètres, nous passerons ainsi par toute une variété de paysages: nous franchirons des montagnes et des forêts, escaladerons des chemins raides et rocailleux, nous traverserons des marécages et des rivières à gué, remonterons des ruisseaux jusqu'à leur source, nous longerons des lacs et des étangs, galoperons dans la steppe. Une expérience vraiment intense!
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Le cheval, c'est le meilleur moyen de visiter ce pays de tous les superlatifs: C'est l'un des plus hauts du monde (si l'on ne compte pas le Tibet), à plus de 1500m de moyenne. C'est le moins densément peuplé de la planète: 2,7 millions d'habitants dans trois fois la France! Soit quelque chose comme 1 habitant au km2 en dehors de la capitale, Oulan Bator, qui est la capitale la plus froide du globe!
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Le premier soir, nous faisons d'ailleurs l'expérience du rude temps mongol. On dit qu'en Mongolie, on peut vivre les quatre saisons en une même journée. De la neige et du froid au ciel bleu et aux grosses chaleurs. En effet, en ce qui nous concerne, en quelques minutes, des nuages sombres s'accumulent, un vent sibérien se lève alors que nous sommes dans la forêt. Cinq minutes plus tard, des grêlons gros comme des billes nous tombent dessus! En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous sommes trempés jusqu'aux os et grelottons. Nous continuons tout de même une trentaine de minutes pour sortir de cette forêt et arriver aux sources d'eau chaude. Nous montons nos tentes sous une pluie battante. Une heure plus tard, le temps se se calme et le soleil se remontre à nouveau, mais tous nos vêtement et chaussures sont trempés (et le seront pendant plusieurs jours...) Nous nous réchauffons: nos pieds glacés dans la source d'eau chaude, et nos estomacs avec la bonne soupe que Bogui a préparé.
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Le jour suivant, une autre famille ayant campé sur le site nous rend visite et nous invite à boire de leur « vodka mongole »... Il est 8h du matin! En fait, cela n'a rien à voir avec la vodka que nous connaissons: celle-ci est faite maison, avec du yaourt de yak que l'on passe dans un alambic artisanal. Ça fait entre 10 et 12 degrés, et ça a un petit goût de lait. Ce n'est pas mauvais, mais au petit dèj, c'est tout de même un peu rude.
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Lorsque l'on reçoit un verre de vodka, il faut d'abord y tremper son annulaire droit, et envoyer trois pichenettes vers le ciel, c'est une offrande au Père Ciel, à la Mère Terre, et aux Ancêtres. La première signifie, « Ciel bleu, sois serein », la deuxième, « Terre, sois calme », la troisième, « Homme, sois heureux ». A la fin, il faut toucher son front, toujours avec le même annulaire... et au moins en gouter un peu avant de rendre le verre à celui qui nous l'a tendu. Celui-ci le reremplira (même si le verre déborde presque), et le retendra au suivant dans le cercle.
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L'homme le plus âgé de la famille nous tend sa bouteille à priser le tabac. Si l'on veut être poli, il faut la recevoir dans sa main droite (ou avec les deux), et au moins sentir le bouchon, si l'on n'est pas décidé à en sniffer un peu... (sacré petit dèj!). Ces bouteilles sont des signes de statut, et sont parfois fabriquées dans des pierres de grande valeur, en ivoire ou en céramique. De plus en plus souvent, elles sont également en plastique!
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La femme la plus âgée de la famille, un drôle de personnage, a 81 ans!!! Naturellement, elle est venue jusqu'ici à cheval. Elle a une patate d'enfer, il faut croire que la vodka mongole et l'airag conservent. Elle m'aime bien et me le montre. Elle se colle contre moi, met sa main sur ma cuisse, et approche son visage de ma joue. Étonnée, j'ai d'abord cru qu'elle voulait m'embrasser, mais à ma grande surprise, elle me colle son nez sur la joue, et sniffe un grand coup! Est-ce que je pue??? Non, je sors tout juste de la source chaude. Bogui m'expliquera plus tard qu'il s'agit en fait d'un signe d'affection.
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Cette famille mongole vient à cet endroit chaque année pour des raisons de santé. Les vieux prennent d'abord un bain dans la source chaude, et juste après, dans la source froide (glaciale), qui est 50 mètres plus loin. Cela est censé améliorer leur circulation sanguine.
Ces gens étaient très sympa, et nous avons beaucoup appris sur leur culture avec eux.
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Bayuu, le horseman, n'arrivant pas à se rappeler de nos prénoms, décide de tous nous rebaptiser. Sébastien devient donc Hourtlè (bronze), et moi, Tsits-hé (fleur). Malte, Verena et Hanna seront respectivement Bator, Sara et Nara.
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Le soir, nous dormons chez une famille d'éleveurs de yaks. Tout le monde, à part Verena et moi se sent patraque. Sébastien a mal au cœur pendant une heure, les autres ont la fièvre et vomissent carrément! Rien de grave, Bogui nous explique que c'est normal, et que cela arrive souvent aux étrangers, après avoir passé une journée à cheval. Le lendemain, nous filons un coup de main pour la corvée de bois.
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C'est ici que nous quittons Bayuu et Chuluu, qui passent le relai à deux nouveaux horsemen, Dovdon, l'imposant propriétaire au visage genghiskhanide, avec ses moustache tombant de chaque côté de sa bouche, et Nansal, au regard étrange. Nous étions un peu triste de quitter nos chevaux, mais en fait, nos nouvelles montures nous plaisent encore plus. Sébastien baptise son nouveau cheval Altaï, en référence aux montagnes de l'Est mongol. Celles où nous aimerions aller... la prochaine fois! Le mien est beaucoup plus sympa et facile que le précédent, bien qu'il ait l'air d'avoir une dent contre tout le reste du troupeau, essayant régulièrement de mordre ou de donner des coups de sabots aux autres chevaux.
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Le troisième jour, nous passons une montagne. Nous avons mal pour nos chevaux qui montent des pentes raides et glissantes. Nous sentons leur fatigue. Le soir, nous arrivons chez Dovdon et sa famille, des éleveurs de chevaux, de yaks et de chèvres, qui nous reçoivent chaleureusement avec un met plutôt rare en Mongolie, du poulet! (Les poules se prêtent mal au nomadisme!) Nous dormons dans leur yourte.
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Sous la yourte, on mange à la mongole.
Tout le monde autour de casserole,
et on y va avec les mains !
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Le camp est dans un endroit magnifique, sur une colline donnant sur un lac. Leur bêtes paissent autour. Leurs deux enfants sont super sympa. Nyam, le fils, âgé d'une dizaine d'années et Dandar, la fille, de 7 ou 8 ans, travaillent avec les animaux au moins autant que les parents. Leur gestes sont étonnants de professionnalisme. C'est avec eux que nous nous essayons à la traites des yaks. Pas évident. Sébastien et moi réussissons tout de même à soutirer un peu de lait à une pauvre bête qui s'est sans doute demandé ce que nous lui voulions! Malte, lui, s'est trouvé une nouvelle vocation, un véritable expert!
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Dandar et Sébastien ramènent le lait à la yourte
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De redoutables chasseurs, ces gamins!
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Nous restons avec cette sympathique famille pendant deux jours. Le lendemain de notre arrivée, nous faisons une belle balade et visitons six des huit lacs ayant donné leur nom au parc. Malte et Verena restent au camp pour se reposer. Sébastien galope pour la première fois avec Nyam, qui voulait absolument faire la course! Les deux deviennent vite les meilleurs amis du monde!
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Le soir, nous avons l'occasion, rare, de goûter à de la viande de cheval. Étant considéré comme une viande chaude, on n'en mange qu'en hiver. Mais la pauvre bête qui se trouve dans nos assiettes s'était cassé une patte et était impossible à soigner. Elle a donc été abattue.
En été, les Mongols mangent traditionnellement des produits laitiers. On qualifie donc cette période de saison blanche. C'est le moment où les animaux s'engraissent en paissant dans des pâturages ou l'herbe est en abondance, pour pouvoir tenir tout l'hiver.
L'automne, c'est la saison où l'on abat les animaux. On choisit les les plus vieux ou les plus faibles, ceux qui ne sont pas assez forts pour passer l'hiver (toujours rude et long en Mongolie). On ne mange pas les jeunes animaux. Cette viande est séchée afin de pouvoir être conservée pendant plusieurs mois.
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Le cinquième et dernier jour fut une grosse journée: 6h de cheval, au pas, au trot et au galop! Notre préférée. Le paysage est magnifique: lacs, montagnes, forêts, collines rases, steppe. Je me sens à l'aise avec mon cheval et passe tout la journée sur un nuage. La toute dernière partie, nous la faisons au galop, surtout Sébastien, qui lui, termine les derniers kilomètres à bride abattue. Comme le disait Bogui, « on a l'impression de voler! »
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Les occasions de se laver sont rares, il ne faut pas les rater...
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Nous retrouvons donc Ishka, notre chauffeur préféré, à un nouveau camp de yourte, à une centaine de kilomètres au Sud de celui où il nous a laissé, il y a six jours.
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Le lendemain, nous prendrons la route en direction du Sud, le désert de Gobi...
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A bientôt.
T&B

mercredi 10 août 2011

Sur les pistes mongoles

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Le 10 juillet, tôt le matin, nous rencontrons Ishka, notre chauffeur et Bogui notre guide-interprête mongole.
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Lui, originaire de l'Ouest du pays et retraité de l'armée où il était gradé, est grand et svelte, la cinquantaine. Cela fait 15 ans qu'il roule sa bosse - et son indestructible van russe à quatre roues motrices - sur les routes mongoles. Jamais vu des yeux comme les siens: marron clair, avec un fin liseret bleu pâle atour de l'iris. Ils dégagent une gentillesse qui trahissent son caractère doux. Ce devait être un bel homme quand il était plus jeune. C'est la star des chauffeurs mongols, celui qui sait tout réparer, celui que les autres chauffeurs appellent quand ils ont une tuile qu'ils ne parviennent à résoudre. Quand nous lui avons demandé son adresse, à la fin du voyage, pour lui envoyer des nouvelles et des photos, il nous a dit qu'il n'en avait pas. Son camion et la steppe, c'est ça son adresse.
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Ishka dans son T-shirt de l'armée russe
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Elle, a mon âge, 28 ans, et est aussi originaire de l'Ouest. Il y a quelques années, elle a quitté la yourte familiale et ses troupeaux de moutons qui supportaient mal les hivers trop rudes des dernières années, pour venir à la capitale avec son frère, afin d'y trouver du boulot. Elle a commencé comme femme de ménage dans une guest-house, puis à force d'être au contact des étrangers, elle a appris, seule, l'anglais, qu'elle baragouine vraiment pas mal. Et elle adore raconter plein de trucs sur son pays, donc c'était super de l'avoir à nos côtés. Elle aussi, c'est une super gentille. Une énergie calme et positive. Tout le temps de bonne humeur, tout le temps le sourire, tout le temps à vouloir que tout le monde soit content. Et pourtant, elle reste seule. Trop de travail, pas le temps de se trouver un homme, encore moins d'avoir des enfants. Le jour viendra, nous dit-elle, mais après la saison...
Elle a le visage typiquement mongol: plat. Le nez ne constitue pas une frontière « géographique » entre les yeux: Lorsqu'elle est presque de profil, on voit toujours ses deux yeux souriants qui pétillent. Elle est petite et rondelette, un peu massive, comme la plupart des femmes de ce pays.
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A eux deux, ils constituent la meilleure équipe avec qui on aurait pu imaginer partir.
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Nous chargeons donc ce 4x4 russe, ce truc qui passe partout, en matos de camping, nourriture et en eau en quantité suffisante pour la durée du voyage. Il ne nous reste plus qu'à monter dedans...
C'est parti!
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Plus qu'à charger les tentes et les sacs!
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A l'arrière du van, nous nous installons avec Malte, comédien de son état dans un groupe de théâtre indépendant, Verena, artiste bijoutière (le couple d'Allemands que nous avons rencontrés à Pékin) et Hanna–Punky Brewster, tatoueuse percée et tatouée (c'est un pléonasme) à la casquette indécollable, la rebelle du groupe. Tous trois sont de Flansburg, à la frontière danoise (pour les germanistes et germanophones qui nous lisent.) Ishka et Bogui (en fait, son vrai prénom est Bothertch-her, et elle a vite fait de le simplifier pour les étrangers incapables de prononcer un prénom mongol) sont à l'avant. Je ne vous raconte pas l'excitation générale.
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A l'arrière, les deux banquettes se font face
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Quelques heures plus tard, la route goudronnée se termine, et commence alors la piste, qui nous accompagnera jusqu'à la fin du voyage. Nous nous retrouvons dans un vaste paysage de collines rondes et vertes, sans arbres, combiné avec un ciel bleu intense. Le voyage commence!
Dans ce paysage infini, nous allons à la rencontre des nomades dans leurs yourtes, et de leurs troupeaux de chevaux, chèvres, moutons et yaks, traversant les steppes et les montagnes, les lacs et les rivières, le désert et les dunes. Nous dormirons parfois avec des familles nomades dans une de leurs yourtes qu'il nous laisseront pour l'occasion, et parfois dans nos tentes, en pleine nature. Idem pour les repas, nous les prendrons tantôt avec une famille qui nous offrira produit laitiers et viande bouillie ou séchée, ou bien au cours d'un bivouac, où nous cuisinerons nous-même et mangerons assis dans l'herbe. Vous l'avez peut-être déjà compris, la Mongolie ne se visite pas pour ses monuments, quasiment inexistants, mais pour sa magnifique nature et son peuple et pour son unique culture nomade. Le pays est un monument à lui tout seul...
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Profitons de ces quelques kilomètres de bitume.
Pendant les trois semaines qui suivront, nous serons secoués comme des Oranginas!
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Il nous arrivait d'en douter, parfois, mais rien n'arrête un Uaz et un Ishka...
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Si seulement on arrivait parfois à les dépasser!
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Arrêt près d'un canyon
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Bivouac au milieu de rien
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Déjeuner en bord de piste
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Dans le parc national de Khustain, nous avons la chance d'apercevoir les chevaux Takhi, plus connus en occident sous le nom de Przewalski,. Ce sont les "ancètres" des chevaux d'aujourd'hui, les seuls chevaux sauvages existant encore à ce jour, les seuls que l'homme n'ait jamais réussi à domestiquer. L'espèce était éteinte à l'état sauvage (ce sont les zoos qui ont permis le travail de réintroduction), et a donc été réintroduite dans ce parc avec succès dans les années 90. C'est aujourd'hui une fierté nationale. Ces chevaux sont petits mais très costauds, avec une grosse tête. Nous réussissons à en trouver, et à les approcher d'assez près.
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Les animaux représentent pour les nomades leur survie. C'est pour cela qu'ils aiment vraiment leurs bêtes et qu'ils prennent grand soin d'elles. Celles-ci sont en général très belles, quelle que soit l'espèce.
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Un gamin d'une douzaine d'année s'agite pour ramener le troupeau à la maison
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Nous traversons ensuite le curieux Semi-désert, ou encore le « Semi Gobi », comme l'appellent les locaux, où l'on y voit de tout: Des dunes de sables, de la steppe interminable avec des troupeaux de chevaux, et des hommes montés sur des chameaux. Le tout avec un ciel toujours aussi bleu comme toile de fond.
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Le "Prince Chameau" de Verena?
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Sur la route, au sommet d'une colline, on peut trouver un gros tas de cailloux, avec une ou plusieurs écharpes bleues accrochées en haut. Dans ce tas de pierre, on retrouve des drapeaux de diverses couleurs, des billets de 10 ou 20 Tugriks, parfois des crânes de yak ou des pattes de chevaux. C'est un honneur pour l'animal en question. C'est un ovoo, un lieu saint. Lorsque l'on voyage, au moins une fois dans la journée, il est recommandé d'en faire trois fois le tour (dans le sens des aiguille d'une montre), et d'y jeter trois cailloux pour montrer son respect aux esprits et symboliquement les rendre plus forts. Le chiffre 3, c'est pour le passé, le présent et le futur. Cela porte bonheur. L'ovoo est le meilleur exemple du syncrétisme des deux religions mongoles: le bouddhisme tibétain (la stupa) et le chamanisme (les esprits). Les tissus sont de cinq couleurs, portant chacune une signification spécifique: Le blanc pour le lait maternel, le bleu pour le ciel, le rouge pour le soleil et le feu, le vert pour l'herbe, et le jaune pour la religion.
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Près de l'ancienne capitale de Karakorum (XIIIe siècle, de Gengis Khaan à Kublai Khaan), se trouve l'imposant monastère d'Erdene Zuu Khiid, le premier monastère bouddhiste du pays, datant du XVIe siècle. Avec ses cent temples, trois cent gers (yourtes), et mille moines qui y vivaient, il était énorme, à l'époque. Il fut détruit pendant les années soviétiques, comme tous les autres temples ou monastères, et les moines furent tués ou envoyés par milliers en Sibérie. Ce qui reste du lieu n'est sans aucun doute que l'ombre de ce qu'il fut jadis. Comme nous le disions plus haut, la religion principale du pays est le bouddhisme tibétain, et par conséquent, les temples mongols, avec leurs stupas blanches et leurs alignements de roues à prières, rappellent vraiment ceux que l'on trouve au Tibet. D'ailleurs, ce fut les Mongols qui baptisèrent le chef spirituel tibétain avec les mots Dalai Lama – Océan de sagesse en mongol.
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Pendant nos trois semaines dans la « campagne » mongole, nous n'avions aucun accès à, entre autre, l'eau courante, l'électricité ou internet. Par conséquent, pour nous laver (sans savon), faire la lessive (sans lessive) ou cuisiner, nous utilisions l'eau des rivières et des lacs, des sources et des puits.
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Une rivière! L'occasion de remplir nos bidons,
et d'un petit coup de toilette et de lessive avant de reprendre la route
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Les Mongols aiment chanter et siffler. Ils le font presque tout le temps, sauf à l'intérieur de la yourte, dans laquelle cela porte malheur de siffler. Siffler dans ce pays, c'est appeler le vent. Chanter, c'est aussi parler à son environnement: pour calmer son troupeau, pour stimuler le galop du cheval, pour appeler la pluie. Bogui et Ishka chantaient souvent dans la voiture. Nous tentions parfois le refrain avec eux...
Adun min zuseeree sechen behenda
Adun chin bi jargaj yalna
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Voir vidéo à la fin du texte
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La Mongolie, pour nous, c'est aussi la chanson « Voyage voyage », dont nous vous parlions dans un post précédent, et que nous n'arrivons pas à nous décoller de la tête, vu que nous la fredonnons à chaque fois que nous sortons une bouteille d'eau minérale... Elle s'appelle Вoяж, (prononcez Vauillache)...
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Nous passons trois jours à camper et faire de la randonnée dans le parc national du Terkhiin Tsagaan Nuur, le parc du Lac blanc. Le lac et les environs sont absolument magnifiques, en particulier vu du sommet des montagnes qui l'entourent. Son eau est très froide, étant donnée qu'elle est gelée neuf mois de l'année (d'où son nom). Juste à coté, se trouve le Khorgo, le volcan éteint du parc national. Le haut de son cratère offre une vue impressionnante sur le champ de lave séchée qui s'étend jusqu'au lac. Nous y passons des soirées très sympa, à faire plus ample connaissance les uns avec les autres, en tchatchant de tout et de rien autour d'un verre de vodka ou de thé vert (selon l'humeur) jusque tard dans la nuit, à la lueur de la pleine lune et de quelques bougies. Nous y fêtons l'anniversaire de Verena. Nous lui chantons donc son anniversaire en cinq langues avant qu'elle puisse souffler les bougies sur le gâteau que Malte lui à acheté et caché depuis Oulan Bator. Chapeau!

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Petite séance matinale de yoga, face au lac...
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Tursun udriin bayar hurgey, Verena...
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Alles Gute zum Geburtstag, Verena...
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Sur l'arête du cratère
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Voir vidéo à la fin du texte
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Nous passons en moyenne trois heures par jour dans le van, sur les pistes, mais en aucun cas nous ne considérons ce temps comme perdu. La nature est magnifique, Sébastien et moi sommes scotchés aux vitres, un sourire béat sur les lèvres, à longueur de journée... Le chemin est parfois aussi plus que cahoteux. Il arrive que nous quittions les pistes pour faire véritablement du offroad, comme on dit en bon français: Nous traversons des rivières à gué, des champs rocailleux où l'on se dit à chaque fois « Ishka, ça passe pas, là... Ah si. », fonçons à travers la steppe plate dans un nuage de poussière qui se voit à des kilomètres à la ronde, et où l'on voit l'horizon à 360 degrés. Nous nous sentons souvent tout petits, comme au beau milieu d'un océan, sur une petite barque. Et puis de temps en temps, un gamin surgit de nulle part, au milieu de cette immensité. Il attend là toute la journée, pour essayer de vendre une ou deux bouteilles d'airag, du lait de jument fermenté, la spécialité mongole, un tout petit peu alcoolisée, au goût particulier -amer et cidré - que j'aime bien, Sébastien un peu moins...
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Airag, airag!
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Le sixième jour s'offre à nous la première occasion depuis le départ de prendre une vraie douche. Chaude qui plus est. Quel luxe! Nous sommes de passage dans une source d'eau chaude. Une station thermale à la mongole. Quelques yourtes accueillent des touristes débarqués d'un peu partout. Certaines ont aménagé des petites piscines. Nous ne dormons pas dans ces camps remplis de touristes japonais et allemands, mais profitons tout de même de leur eau chaude avant de nous trouver un coin à l'écart pour camper. C'est là qu'Ishka nous montre comment faire de l'encens. Il cueille du genévrier, un buisson conifère, et pile ses épines en poudre fine pour ensuite la brûler. L'odeur est très agréable.
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Nous nous arrêtons souvent dans les gers (yourtes), pour nous orienter, demander notre chemin. C'est le GPS mongol: Ger Positioning System ! En Mongolie, on dit ger, et non yourte, pour leurs tentes rondes de feutre. Le mot yourte est arrivé plus tard, par le biais des Turcs. Si l'on ne veut pas vexer un Mongol, mieux vaut donc éviter d'utiliser ce mot en leur présence. Les arrêts dans les gers sont aussi l'occasion de faire une pause et de reposer nos muscles et nos os fatigués par les soubresauts du van sur la piste. Systématiquement, nous sommes tous invités à l'intérieur de la ger, où l'on nous y offre (quoique le verbe imposer serait plus approprié) nourriture et boisson. La nourriture, c'est le yaourt séché (ça rappelle vaguement la feta grecque, mais en dur), le fromage (parfois très dur), la viande de chèvre ou de mouton, parfois quelques biscuits. La boisson, ce peut être le désaltérant thé mongol (thé vert + beurre de yak ou lait et un peu de sel), ou de l'airag. En effet, les nomades se nourrissent presque exclusivement de laitage et de viande, le produit de leur troupeaux.
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L'hospitalité, si l'on peut encore la qualifier ainsi, est dans ce pays plus que de la simple politesse. C'est une nécessité, une question de survie. Lorsque une famille « déménage », elle ne peut pas forcément emmener la nourriture et l'eau en quantité suffisante pour tout le voyage, qui peut durer plusieurs jours. Par conséquent, lorsqu'un voyageur se présente dans une yourte, il va de soit de lui présenter aussitôt qu'il passe le pas de porte de quoi boire et manger. Il n'y aura aucun problème si celui-ci décide de rester dormir... Toute la vie dans la steppe est régie par ces principes d'entraide et de solidarité. Par exemple, un jour, nous sommes tombés sur un type attendant à côté de sa voiture en panne. Il était très content de nous voir arriver et pour cause! Il attendait là depuis deux jours que quelqu'un passe... Nous avons tiré sa voiture jusqu'à sa yourte, où nous avons été accueillis comme des rois en signe de reconnaissance.
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En raison de leur mode de vie nomade, les Mongols vivent donc dans ces gers, ces maisons de bois et de feutre qui se montent en à peine deux heures, selon la taille. Traditionnellement, ce sont les femmes qui s'en chargent. L'intérieur est très simple. Au milieu, se trouve un poêle, qui sert à chauffer l'endroit, ainsi qu'à cuisiner. Autour, sont disposés les meubles et les lits (s'il y en a!). L'entrée est toujours placée au Sud. Au Nord, se trouve parfois un meuble et un autel avec icônes religieuses et photos de famille. Dans une yourte, il y a tout un tas de règles à respecter, comme par exemple: Les femme s'installent à l'Est (à droite en rentrant), les hommes à l'Ouest (à gauche); selon l'âge, le sexe, la position sociale, on s'assied d'un certaine manière, à un certain endroit; on ne se tient pas immobile entre les deux piliers centraux ou à l'entrée, notamment; on dort les pieds vers le sud; on ne pointe jamais ses pieds vers quelqu'un; on ne touche jamais le chapeau de quelqu'un d'autre; etc.
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Au centre de l'univers mongol, se trouve le cheval. Un seul de ces équidés peut constituer la fierté d'une famille, voire d'une ville toute entière... Dans le billet suivant, nous vous raconterons nos cinq jours de trek à cheval dans les montagnes du parc naturel des Huit lacs.
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A bientôt.
T&B
Vidéo 1
Ishka qui chante
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Vidéo 2
Terkhiin Tsgaan Nuur