lundi 22 août 2011

Le pied à l'étrier

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La veille de notre départ à cheval, nous avons dormi chez notre « horseman », Bavuu, le propriétaire des chevaux, non loin des chutes d'eau d'Orkhon. La famille possède trois ou quatre yourtes, ainsi qu'un beau troupeau de chèvres et de moutons. Nous y sommes arrivés le soir, après nous être essayés, Sébastien et moi, au tir-à-l'arc, au bords des chutes, l'un des sports mongols les plus populaires, avec la lutte et, bien entendu, les courses de chevaux.
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Dans la famille, il y a quatre enfants: trois filles de treize, dix et six ans, ainsi qu'un petit garçon adorable d'un an et demi. L'ainée, Aydè, parle un peu anglais, et nous explique que les enfants des familles nomades vont à l'école dans une ville où ils y restent à l'année, et ne voient donc leur famille que pendant les vacances scolaires. Nous mettons du temps à comprendre que le petit dernier est un garçon. Avec ses cheveux longs, il ressemble plutôt à une fille, et pour cause, la tradition veut qu'on ne coupe les cheveux des garçon pour la première fois qu'après leur 3 ans, et après leur 4 ans pour les filles.
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Les enfants mongols mûrissent plus vite que chez nous: Aydè s'occupe de son petit frère comme une vraie maman, et aide sa famille avec le travail quotidien (traite des bêtes, couper le bois, cuisiner, accueillir les hôtes, aller chercher l'eau à la rivière, etc.) comme une adulte.
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A notre arrivée, nous somme invités dans la yourte principale où la famille nous offre du thé mongol, avec le plat préféré des mongols, le tsuivan. Ce sont des galettes de blé coupées en fines lamelles après avoir été cuites à la vapeur, pour être sautées avec du mouton et des légumes. Bien sûr, il y a aussi du fromage dur comme de la brique. Mais c'est très bon!
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Nous dormons dans l'une de leurs yourtes, dans des lits en bois alignés le long des « murs » en feutre. Au milieu de la pièce, crépite le poêle qu'Aydè est venue allumer à l'occasion de notre passage.
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Le lendemain matin, nous faisons connaissance avec nos deux Horsemen: Le boss, Bavuu, la quarantaine, fort et robuste, un vrai mongol, et un jeune homme de 18 ans, Chuluun, timide et au visage sérieux et fermé. Je suis la seule à n'être jamais montée à cheval. Sébastien, à peine mieux, se rappelle avoir passé une heure sur un petit cheval lors de son adolescence... Les trois autres prétendaient avoir plus d'expérience et être relativement à l'aise. Les chevaux mongols sont un peu plus petit que ceux que l'on a en Europe, mais sont aussi plus nerveux et sauvages... Nous nous laissons tout de même influencer pour étendre la durée du trek à cheval de 3 à 5 jours ! Espérons que nous ne le regretterons pas...
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Chuluun
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Notre caravane de 10 chevaux commence cette balade sous un soleil de plomb et un immense ciel bleu. Nous sommes 8 cavaliers (nous cinq, Bogui, et les deux horsemen), et avons deux chevaux de bat, pour nos affaires et la nourriture. Chuluun s'occupe bien de moi, et surveille mon cheval de près. Il faut préciser qu'il est jeune et n'a pas l'air d'être complètement dressé (c'est du cheval que je parle!). Il lui arrive donc de faire des trucs bizarres, comme changer de direction sans que je le lui demande, ou encore partir au galop sans raison! Bref, pas cool pour une débutante. Mais à chacun de ses pétages de plomb, ça se passe bien, le jeune Chuluun réagit tout de suite afin de calmer l'animal.
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Sébastien, lui, est très à l'aise sur son cheval, dès les début. Et lui aussi a adoré les chevaux qu'on lui avait confié. Il a nommé son premier cheval Patte blanche (nous changerons de chevaux, par la suite), contrairement à la tradition mongole. Dans ce pays, les chevaux sont trop nombreux pour être baptisés.
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Monter à cheval est en fait un exercice très physique. Il faut dire que nos selles sont plus ou moins artisanales: planches en bois, et coussin... moins dures que les effrayantes selles mongoles, mais définitivement moins confortables que les véritables selles occidentales en cuir!
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Les trois premiers jours, nous avons très mal aux genoux, mais la première journée est la plus difficile: coccyx, abdos, cuisses, dos, c'est tout le corps nous fait mal. Mais nos muscles apprennent rapidement les postures. Ce n'est pas étonnant que les Mongols - hommes, femmes ou enfants - soient aussi forts. On dit qu'un Mongol naît sur une selle de cheval. Dès 4 ou 5 ans, les enfants sont déjà des cavalier expérimentés. Il n'y a qu'à les voir galoper lorsqu'il ont la tâche de ramener les troupeaux au camp.
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Lors de ces cinq journées à cheval, nous traverserons donc le parc des Huit Lacs, une zone accessible seulement à cheval. Même un Uaz avec un Ishka n'y passent pas! Sur une centaine de kilomètres, nous passerons ainsi par toute une variété de paysages: nous franchirons des montagnes et des forêts, escaladerons des chemins raides et rocailleux, nous traverserons des marécages et des rivières à gué, remonterons des ruisseaux jusqu'à leur source, nous longerons des lacs et des étangs, galoperons dans la steppe. Une expérience vraiment intense!
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Le cheval, c'est le meilleur moyen de visiter ce pays de tous les superlatifs: C'est l'un des plus hauts du monde (si l'on ne compte pas le Tibet), à plus de 1500m de moyenne. C'est le moins densément peuplé de la planète: 2,7 millions d'habitants dans trois fois la France! Soit quelque chose comme 1 habitant au km2 en dehors de la capitale, Oulan Bator, qui est la capitale la plus froide du globe!
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Le premier soir, nous faisons d'ailleurs l'expérience du rude temps mongol. On dit qu'en Mongolie, on peut vivre les quatre saisons en une même journée. De la neige et du froid au ciel bleu et aux grosses chaleurs. En effet, en ce qui nous concerne, en quelques minutes, des nuages sombres s'accumulent, un vent sibérien se lève alors que nous sommes dans la forêt. Cinq minutes plus tard, des grêlons gros comme des billes nous tombent dessus! En moins de temps qu'il n'en faut pour le dire, nous sommes trempés jusqu'aux os et grelottons. Nous continuons tout de même une trentaine de minutes pour sortir de cette forêt et arriver aux sources d'eau chaude. Nous montons nos tentes sous une pluie battante. Une heure plus tard, le temps se se calme et le soleil se remontre à nouveau, mais tous nos vêtement et chaussures sont trempés (et le seront pendant plusieurs jours...) Nous nous réchauffons: nos pieds glacés dans la source d'eau chaude, et nos estomacs avec la bonne soupe que Bogui a préparé.
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Le jour suivant, une autre famille ayant campé sur le site nous rend visite et nous invite à boire de leur « vodka mongole »... Il est 8h du matin! En fait, cela n'a rien à voir avec la vodka que nous connaissons: celle-ci est faite maison, avec du yaourt de yak que l'on passe dans un alambic artisanal. Ça fait entre 10 et 12 degrés, et ça a un petit goût de lait. Ce n'est pas mauvais, mais au petit dèj, c'est tout de même un peu rude.
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Lorsque l'on reçoit un verre de vodka, il faut d'abord y tremper son annulaire droit, et envoyer trois pichenettes vers le ciel, c'est une offrande au Père Ciel, à la Mère Terre, et aux Ancêtres. La première signifie, « Ciel bleu, sois serein », la deuxième, « Terre, sois calme », la troisième, « Homme, sois heureux ». A la fin, il faut toucher son front, toujours avec le même annulaire... et au moins en gouter un peu avant de rendre le verre à celui qui nous l'a tendu. Celui-ci le reremplira (même si le verre déborde presque), et le retendra au suivant dans le cercle.
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L'homme le plus âgé de la famille nous tend sa bouteille à priser le tabac. Si l'on veut être poli, il faut la recevoir dans sa main droite (ou avec les deux), et au moins sentir le bouchon, si l'on n'est pas décidé à en sniffer un peu... (sacré petit dèj!). Ces bouteilles sont des signes de statut, et sont parfois fabriquées dans des pierres de grande valeur, en ivoire ou en céramique. De plus en plus souvent, elles sont également en plastique!
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La femme la plus âgée de la famille, un drôle de personnage, a 81 ans!!! Naturellement, elle est venue jusqu'ici à cheval. Elle a une patate d'enfer, il faut croire que la vodka mongole et l'airag conservent. Elle m'aime bien et me le montre. Elle se colle contre moi, met sa main sur ma cuisse, et approche son visage de ma joue. Étonnée, j'ai d'abord cru qu'elle voulait m'embrasser, mais à ma grande surprise, elle me colle son nez sur la joue, et sniffe un grand coup! Est-ce que je pue??? Non, je sors tout juste de la source chaude. Bogui m'expliquera plus tard qu'il s'agit en fait d'un signe d'affection.
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Cette famille mongole vient à cet endroit chaque année pour des raisons de santé. Les vieux prennent d'abord un bain dans la source chaude, et juste après, dans la source froide (glaciale), qui est 50 mètres plus loin. Cela est censé améliorer leur circulation sanguine.
Ces gens étaient très sympa, et nous avons beaucoup appris sur leur culture avec eux.
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Bayuu, le horseman, n'arrivant pas à se rappeler de nos prénoms, décide de tous nous rebaptiser. Sébastien devient donc Hourtlè (bronze), et moi, Tsits-hé (fleur). Malte, Verena et Hanna seront respectivement Bator, Sara et Nara.
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Le soir, nous dormons chez une famille d'éleveurs de yaks. Tout le monde, à part Verena et moi se sent patraque. Sébastien a mal au cœur pendant une heure, les autres ont la fièvre et vomissent carrément! Rien de grave, Bogui nous explique que c'est normal, et que cela arrive souvent aux étrangers, après avoir passé une journée à cheval. Le lendemain, nous filons un coup de main pour la corvée de bois.
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C'est ici que nous quittons Bayuu et Chuluu, qui passent le relai à deux nouveaux horsemen, Dovdon, l'imposant propriétaire au visage genghiskhanide, avec ses moustache tombant de chaque côté de sa bouche, et Nansal, au regard étrange. Nous étions un peu triste de quitter nos chevaux, mais en fait, nos nouvelles montures nous plaisent encore plus. Sébastien baptise son nouveau cheval Altaï, en référence aux montagnes de l'Est mongol. Celles où nous aimerions aller... la prochaine fois! Le mien est beaucoup plus sympa et facile que le précédent, bien qu'il ait l'air d'avoir une dent contre tout le reste du troupeau, essayant régulièrement de mordre ou de donner des coups de sabots aux autres chevaux.
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Le troisième jour, nous passons une montagne. Nous avons mal pour nos chevaux qui montent des pentes raides et glissantes. Nous sentons leur fatigue. Le soir, nous arrivons chez Dovdon et sa famille, des éleveurs de chevaux, de yaks et de chèvres, qui nous reçoivent chaleureusement avec un met plutôt rare en Mongolie, du poulet! (Les poules se prêtent mal au nomadisme!) Nous dormons dans leur yourte.
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Sous la yourte, on mange à la mongole.
Tout le monde autour de casserole,
et on y va avec les mains !
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Le camp est dans un endroit magnifique, sur une colline donnant sur un lac. Leur bêtes paissent autour. Leurs deux enfants sont super sympa. Nyam, le fils, âgé d'une dizaine d'années et Dandar, la fille, de 7 ou 8 ans, travaillent avec les animaux au moins autant que les parents. Leur gestes sont étonnants de professionnalisme. C'est avec eux que nous nous essayons à la traites des yaks. Pas évident. Sébastien et moi réussissons tout de même à soutirer un peu de lait à une pauvre bête qui s'est sans doute demandé ce que nous lui voulions! Malte, lui, s'est trouvé une nouvelle vocation, un véritable expert!
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Dandar et Sébastien ramènent le lait à la yourte
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De redoutables chasseurs, ces gamins!
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Nous restons avec cette sympathique famille pendant deux jours. Le lendemain de notre arrivée, nous faisons une belle balade et visitons six des huit lacs ayant donné leur nom au parc. Malte et Verena restent au camp pour se reposer. Sébastien galope pour la première fois avec Nyam, qui voulait absolument faire la course! Les deux deviennent vite les meilleurs amis du monde!
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Le soir, nous avons l'occasion, rare, de goûter à de la viande de cheval. Étant considéré comme une viande chaude, on n'en mange qu'en hiver. Mais la pauvre bête qui se trouve dans nos assiettes s'était cassé une patte et était impossible à soigner. Elle a donc été abattue.
En été, les Mongols mangent traditionnellement des produits laitiers. On qualifie donc cette période de saison blanche. C'est le moment où les animaux s'engraissent en paissant dans des pâturages ou l'herbe est en abondance, pour pouvoir tenir tout l'hiver.
L'automne, c'est la saison où l'on abat les animaux. On choisit les les plus vieux ou les plus faibles, ceux qui ne sont pas assez forts pour passer l'hiver (toujours rude et long en Mongolie). On ne mange pas les jeunes animaux. Cette viande est séchée afin de pouvoir être conservée pendant plusieurs mois.
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Le cinquième et dernier jour fut une grosse journée: 6h de cheval, au pas, au trot et au galop! Notre préférée. Le paysage est magnifique: lacs, montagnes, forêts, collines rases, steppe. Je me sens à l'aise avec mon cheval et passe tout la journée sur un nuage. La toute dernière partie, nous la faisons au galop, surtout Sébastien, qui lui, termine les derniers kilomètres à bride abattue. Comme le disait Bogui, « on a l'impression de voler! »
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Les occasions de se laver sont rares, il ne faut pas les rater...
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Nous retrouvons donc Ishka, notre chauffeur préféré, à un nouveau camp de yourte, à une centaine de kilomètres au Sud de celui où il nous a laissé, il y a six jours.
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Le lendemain, nous prendrons la route en direction du Sud, le désert de Gobi...
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A bientôt.
T&B




5 commentaires:

  1. Je me demande si ce billet n'est pas mon préféré, tout compte fait... Non, je ne me le demande même pas, en fait.

    Quelle vie intense vous nous surmutipliez-là, Hourtlè et Tsits-hé !

    Le vent de la steppe passe au galop dans nos cheveux ; on se sent comme orphelin à la fin de la lecture et de la contemplation de vos photos.

    J'ai tant de mercis à vous dire. Gros bisous.

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  2. Toujours aussi enthousiaste! Et ça fait toujours autant plaisir! :)
    A très bientôt.
    Bastoche

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  3. bonjour,
    super votre site et votre récit.

    J'aimerais savoir avec quelle agence ou quel guide avez-vous fait ces 5 jours de rando.

    Merci de nous aider, car nous allons en mongolie avec nos enfants l'été prochain.

    yoann

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  4. bonjour,
    super votre site et votre récit.

    J'aimerais savoir avec quelle agence ou quel guide avez-vous fait ces 5 jours de rando.

    Merci de nous aider, car nous allons en mongolie avec nos enfants l'été prochain.

    yoann

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  5. La guest house avec qui l'on a organisé cela est Golden Gobi, à Oulan Bator.
    Après, tout dépend de l'endroit où vous voulez faire du cheval, si c'est près du lac Khovsgol, je crois qu'il y a beaucoup de choix sur place. Nous étions dans le parc des huit lacs, et c'était moins fréquenté.

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