samedi 17 septembre 2011

Naadam ! Les trois sports de l'homme

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C'est à Pékin que le Naadam commence, pour nous. Dès que nous réalisons que celui-ci débutera le surlendemain de notre arrivée à Oulan Bator, nous décidons de réserver un hôtel. La chose n'est pas aisée, c'est la période la plus touristique dans le pays. Alors je ne vous parle pas de la capitale à la veille du plus gros festival national ! Tous les hôtels sont réservés. Les touristes arrivent de partout dans le monde pour assister au spectacle. Nous finissons par trouver deux lits de dortoir dans un petit appartement tenu par une française.
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Nous débarquons donc l'avant veille des festivités, avec Malte et Verena, et sommes tous d'accord pour foutre le camp avant que celles-ci ne commencent, comme nous vous l'avons raconté quelques billets plus haut. Parce que le Naadam dans la capitale, c'est plus de touristes que de locaux dans les rues, c'est des places dans les tribunes du stade à 40$, c'est l'impossibilité de se loger à moindre frais. Et cela pendant toute la semaine qui vient. Nous préférerions tous fêter ces deux journées dans une ville plus petite, où ce sera moins touristique, ou les cérémonies seront plus modestes mais plus authentiques et où le contact avec la population locale sera plus aisé.
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D'après nos renseignements, la ville de Tsetserleg, à une journée de route à l'ouest de UB (désolés, les français ne disent pas OB), célèbre le festival les même jours que la capitale. Nous organisons donc notre périple en prenant en compte que cette ville sera notre première étape, et que nous devons y être le plus vite possible.
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Le Naadam, c'est LA fête la plus populaire de Mongolie, tant auprès des mongols que des visiteurs étrangers. Les nomades viennent à cheval, parfois de très loin, pour assister aux compétitions des trois sports traditionnels, les trois sports de l'homme, comme on dit dans le pays: la course de chevaux, le tir à l'arc, et bien sûr, la lutte.
C'est Gengis Khan qui instaura cette fête, en 1206. Alors forcément...
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Une fois l'itinéraire choisi et l'équipe qui nous emmènera formée, nous prenons donc la route...
Nous bivouaquons en chemin, et arrivons en milieu d'après-midi à Tsetserleg le 11 juillet, censé être le premier jour du Naadam. Mais à notre arrivée dans cette jolie capitale d'aimag, l'atmosphère a un goût de fin de fête. Nous nous renseignons... Les festivités ont commencé la veille, et viennent juste de se terminer !
Sacre Bleu ! On a tout raté ! Tout? Non. La foule se concentre derrière le stade. Nous garons notre Uaz et allons la rejoindre, marcher entre les yourtes, cabanes et camions installés provisoirement (un pléonasme, en Mongolie, c'est vrai), où la population termine la journée. 
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Des hommes torses nus et aux ventres gigantesques cuvent leur vodka à l'ombre des yourtes. Des gamins surexcités traversent l'endroit au galop sur des chevaux aux yeux révulsés par le bruit et la foule. La population rit aux éclats, attablée devant des yourtes où l'on se restaure en buvant de l'airag et en mangeant des khorchor et des buuz, ces délicieux dumplings au mouton, frits et huileux ou cuits à la vapeur et collants. Vieux et jeunes se pressent aux stands de fléchettes ou de loteries. Malgré la taux moyen d'alcoolémie relativement élevé, l'ambiance est finalement plutôt bonne. Et on se prend au jeu. 
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Si nous sommes frustrés d'être arrivés un peu tard, nous repartons contents de ce premier bain de foule locale. De toute façon, comme le dit le proverbe mongol, on ne se lasse pas de l'arc parce qu'on est rentrés bredouille de la chasse. Ce n'est que partie remise. En effet, le Naadam est fêté tout au long de l'été. Il suffit de tomber au bon endroit au bon moment...
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Un jour, nous arrêtons le van sur la piste pour regarder une folle cavalerie d'une cinquantaine de chevaux galopant ventre à terre, au loin, montés par des gamins de 5 ou 6 ans qui leur chantent à l'oreille de quoi les stimuler sur une distance ahurissante de 25 ou 30 km. Lors de ces courses, les accidents ne sont pas rares, tous les cavaliers n'arrivent pas en selle. Mais peu importe, seul le cheval compte, dans ce pays où l'on érige des statues dans les centre-ville en hommage à tel ou tel étalon qui a marqué l'histoire équestre de la province. En effet, un cheval sans mini-jockey sur le dos mais passant la ligne d'arrivée est tout de même pris en compte ! Le cavalier n'est qu'un outil, le plus léger soit-il, pour maintenir la vitesse de sa monture.
Bogui nous raconte qu'elle aussi, petite, participait au Naadam, et qu'elle a eu son heure de gloire, gagnant, à l'âge de 5 ans, l'une de ses courses. Mais elle a arrêté à 8 ans, lorsque, suite à une chute, elle a commencé à avoir de sérieux problèmes de dos. Heureusement pour la famille, le cheval s'était bien remis de l'accident. Mais la mère de Bogui décida tout de même que s'en était fini du triple galop pour la jeune cavalière. Bogui, les yeux étincelants, en parle toujours avec beaucoup d'émotion.
- Quand on galope, on dirait qu'on vole, me répète-t-elle à plusieurs reprises lors de notre trek à cheval.
Mais elle reconnaît que les risques pris par ces gamins, qui montent les chevaux sans selle et sans étriers, sont énormes. Les décès son nombreux, et être invalide dans ce pays est sans doute la pire des récompenses.
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Parfois, nous nous arrêtons dans une yourte, et, après les salutations de base – « Bonjour, comment va la famille? Comment va le bétail? Votre herbe est-elle bonne? » - nous sommes invités à suivre un match de lutte en direct sur leur petite télévision. Télé qui est branchée sur une batterie de voiture, comme d'habitude, et dont la qualité de l'image et du son sont tellement mauvaises qu'on en attrape des maux de crâne après seulement quelques minutes. Les lutteurs, ces trop-pleins de testostérone, ces montagnes de muscles et de graisse mesurant généralement plus de deux mètres de haut, vêtus d'accoutrements à la superman (sans sa cape), et de slips à rendre fou de jalousie Aldo Maccione, torses et bedaines à l'air, tournent l'un autour de l'autre, et tentent de se faire chavirer sans se donner de coups. Le gagnant aura le droit de voir passer le perdant sous son aisselle (rien que ça, ça ne donne pas envie de perdre!), et d'enchainer avec une danse de l'aigle, tournant autour du perdant et du jury en mimant le vol de l'oiseau, en tirant une gueule d'enterrement brejnevien, avec la grasse d'un sumo marchant sur des œufs. Pour nous, c'est assez décalé. Mais il ne faut pas rire. La lutte est le plus macho des sports mongols, et si l'on esquisse ne serait-ce qu'un sourire en voyant ce spectacle, c'est l'honneur de toute la nation que l'on bafoue. L'hospitalité mongole a tout de même ses limites...
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Lorsque Ishka apprend, au Lac Blanc, que c'est son lutteur qui a gagné, rien ne peut arrêter sa joie. Il termine la soirée avec une cuite aussi mémorable que sa gueule de bois le lendemain!
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Une fois aux dunes de Khongoryn, nous apprenons qu'à Mandalgov, les 28 et 29 juillet, se tient le Naadam. A deux jours près, nous le rations définitivement, car c'est la dernière étape du voyage avant de rentrer sur Oulan Bator. Une âpre discussion s'ensuit, je vous le racontais, et nous décidons d'y assister.
Après avoir commencé par la clôture de la fête, au début du voyage, et avoir vu certaines épreuves par la fenêtre du van ou à la télé au fil des jours, aurons nous, avant de quitter le pays, la possibilité d'arriver assez tôt pour voir les épiques cérémonies d'ouverture ?
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Ce matin là, nous nous levons à l'aube. Nous ne sommes pas très loin et voyons la petite capitale grossir au fur et à mesure que nous nous approchons. Des yourtes ont été montées pour l'événement. Nous doublons quelques gamins s'entrainant sur leurs chevaux. Nous allons jusqu'au « centre-ville » où la foule très matinale se presse autour d'une haute statue recouverte d'un voile. Bogui nous explique que ce matin, un nouveau monument sera inauguré. La télévision est présente, des moines dans leur robes rouges sont par centaines assis autour. La foule est vêtue des apparats des grandes occasions, aux couleurs aussi flashy que multiples: manteaux jaunes, chapeaux aux formes ahurissantes, capes bleues, bottes roses, combinaisons violettes...
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Tout le monde se pousse pour essayer de voir quelque chose. Un officiel du gouvernement arrive en grande pompe dans un gigantesque Hummer noir au vitres teintées, escorté par une demi douzaine de 4x4, sirènes hurlantes au milieu d'une foule qui ne parvient pas à ouvrir un passage au convoi. Les policiers en uniformes gesticulent, menacent de leur matraques. Une voie est ouverte. Le personnage en question peut sortir de sa voiture et prononcer, devant caméras et photographes venus en nombre, un discours qui paraît impressionner beaucoup moins la foule que la voiture de laquelle il est sorti. Il repart aussitôt. Reconvoi bloqué. Re flics et matraques.
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C'est l'heure de voir ce que cache ce voile. La statue est découverte dans un grand « Oooohhh ».
C'est un cheval. On l'aurait deviné. Leur passion pour cet animal n'a pas plus de bornes que n'en compte ce pays sans route, propriété privée ou clôture. Bogui nous explique que c'est la sculpture du gagnant des trois ou quatre Naadams précédents, et qui est tombé raide mort à l'arrivée de sa dernière course, l'année passée. Le pauvre a fini dans la gloire, ça lui fait une belle jambe. Son riche propriétaire, dans toute son humilité, a offert ce monument à la ville. Tout le monde s'extasie devant la figure de bronze figée en plein galop, crinière au vent, muscles tendus. Les anciens se remémorent les exploits de l'animal. Quel est leur pronostic pour cette année? Les paris vont bon train.
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Une fois cette inauguration terminée, nous montons vers le stade improvisé sur un bout de steppe où commence tout juste la cérémonie d'ouverture. Chaque Sum (petit village) de l'aimag (province) a envoyé une sorte de délégation, pour la représenter. Des centaines d'enfants, d'hommes et de femmes, accoutrés comme des personnages sortis de Star Trek, attendent de défiler sur la pelouse du stade. Nous nous faufilons au milieu et sommes pris par l'excitation contagieuse que peu de participants parviennent à contenir. Mais attention, aucun second degré dans ces costumes. Le Naadam, c'est pas Mardi Gras. C'est très sérieux. Chacun vit sa présence sur cette pelouse comme un hommage. 
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Et puis les portes s'ouvrent. Pris dans le mouvement, nous sommes propulsés sur la pelouse du stade. Nous voici aux premières loges! Un à un, les groupes défilent, exhibant des costumes tantôt moyenageux, tantot kitch, tantôt... hmmm, hot.
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Les spectacles s'enchainent. Un orchestre se donne à fond. Des chanteurs s'époumonent dans des micros dont les grésillements et le larsen sont à peine supportables. Des danseuses légèrement vêtues se déhanchent autant que la bienséance locale l'autorise. Des acrobates sautent, rebondissent, flips et saltos... L'émotion prend le dessus. Tina et moi lâchons quelques larmes de joie que nous parvenons mal à cacher. Mais qu'importe.
Nous sommes si heureux de vivre cela à la fin de ce voyage au pays des nomades. C'est la meilleure conclusion que nous pouvions espérer. Ce peuple de cavaliers sauvages, ces cowboys des steppes, nous émerveille, ce pays est extra-ordinaire au sens premier du mot. Tout ici est tellement loin de nos habitudes, de nos façons de faire, de nos modes. C'est absolument fascinant. Colette disait que le voyage n'est nécessaire qu'aux imaginations courtes... (Ce qu'on peut entendre comme conneries !) Elle n'est sans doute jamais passée par la Mongolie.
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Au terme de la cérémonie, nous comprenons qu'en même temps, sont arrivés les premiers enfants sur leurs chevaux. Nous avons raté cela, mais la cérémonie valait vraiment le coup. Nous cherchons l'endroit où se déroulent les combats de lutte et ne trouvons pas. Certains nous disent qu'ils ont déjà eu lieu, également pendant la cérémonie d'ouverture ! C'est l'organisation à la Mongole ! Nous parvenons tout de même à voir un peu les archers envoyer leurs flèches à 65 mètres avec une précision déroutante.
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Nous déjeunons, comme à Tsetserleg, dans les yourtes qui proposent du mouton et de l'airag.
Et puis des nuages se lèvent et s'amassent dans le ciel. Le gris devient de plus en plus inquiétant. Nous passons au milieux des stands qui proposent des jeux de kermesse ou d'acheter toutes sortes de babioles, et savourons le moment... Mais la pluie s'abat violemment tout à coup sur la ville. Les gens courent en tous sens, s'abritent où ils le peuvent, sous un stand, sous un parasol, derrière un camion.
La fête paraît se terminer ainsi, en eau de boudin. Le reste des festivités est annulé pour le reste de la journée.
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Nous remontons dans le camion et conduisons hors de la ville. Nous passons notre dernière nuit en yourte avec une gentille petite famille d'éleveurs de chèvres vivant dans une très belle région. Nous nous délectons de cette dernière nuit en yourte, de ces derniers moments au contact des nomades. 
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Réveil brumeux. Nous avons une grosse journée de route pour arriver à Oulan Bator. 
Plus qu'aucun jour auparavant, la terre est dure et le ciel est lointain.
Ishka nous chante ses dernières chansons. Bogui nous conte ses dernières histoires. La piste déroulent ses derniers kilomètres et les collines dévoilent leurs derniers troupeaux de chevaux.
La Mongolie est derrière nous. Elle nous manque déjà. Il faudra y revenir. Vite.
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T&B

5 commentaires:

  1. Vraiment...déroutants ces costumes, et en même temps tellement beaux !! On se demande ou ils trouvent les tissus, et ... les chaussures ?!
    On devine pourquoi ce pays vous a tellement marqué. Et au passage, la photo du jeune cavalier en mouvement est superbe, ça a l'air d'aller vite ! On attend la suite avec impatience. Gros bizous
    Anouck & co

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  2. Quelle conclusion, mazette, pfffff ...

    "Il faudra y revenir. Vite."

    Ben vi. Absolument.

    La tata4, trop estomaquée pour trouver ôtchoz !
    (et bises, bien sûr, arff)

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  3. Toujours aussi déroutant ce blog :/

    La moitié de mon comment a disparu, malgré le copier-coller paske ça fait 5 fois qu'il me refuse l'accès. Bon ben tant pis.

    Toujours tata4 et toujours gros bisous.

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  4. Merci à vous deux.
    Oui, c'était vraiment quelque chose ce Naadam, ce pays.
    (soupir...)

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  5. C'EST toujours "quelque chose, ce Naadam, ce pays".

    Yapuka.....

    Pas simple, mais faisable.

    Au fait, oublié de vou dire bravo pour la nouvelle mise en page, hein ... On est au coeur des tofs.

    Tata4

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