Sur les pentes du volcan, ce cavalier admire la vue
.
.
Il y a deux jours, je vous racontais que nous nous étions levés à 3h30 du matin pour assister au lever du soleil sur les volcans Bromo, Semeru, Tarub, et compagnie. Voici la suite de l'histoire...
Des pentes verdoyantes, où l'on cultive chou, brocoli et pomme de terre, nous passons à un paysage lunaire, quasiment unicolore: cendre. Du noir et du gris, partout. En réalité, de la poussière de roche désintégrée dans les profondeurs du volcan, couvrant tout, absolument tout, à des kilomètres à la ronde. Et puis cet épais nuage de fumée. Nuage duquel nous nous rapprochons, un peu inquiets... Nous garons la Jeep à environ un kilomètre du cratère. La piste n'est plus praticable au delà.
.
.
.
.
.
.
Au milieu de ce paysage surréaliste, des paysans-cavaliers Genghis Khaniens nous attendent avec leurs chevaux, espérant que notre fatigue leur fasse gagner quelques roupies, mais c'est à pied que nous terminons le trajet. D'autres, venus avec leurs vieilles motos pétaradantes, font chauffer leur eau sur un feu de bois, et tentent de nous vendre un kopi (café) ou des « Chinese instant noodles » (nouilles déshydratées en pots).
.
.
.
Les loueurs de vêtements chauds nous avaient prévenus (c'était dans leur intérêt). En effet, il faisait frais, à 4h, là haut, au viewpoint, et nous nous étions donc allègrement couverts de tous les vêtements que nous avions avec nous (trois T-shirts, 2 paires de chaussettes, polaire, K-way...) Mais ici bas, la température monte, nous sentons que nous nous approchons de l'enfer... au sens propre!
Des pierres volcaniques fraîchement crachées, légères et tranchantes, jonchent le sol. Leur couleur métallisée est étonnante. Nous en ramassons une, en guise de souvenir.
La veille au soir, de nuit, nous avions réussi à voir quelques jets de roche en fusion, mais ce n'était rien comparé aux photos que l'on nous montrait, prises un mois et demi plus tôt, quand la descente au cratère était absolument inconcevable... sauf pour le photographe en question!
..
.
And the winner is...
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
« Kopi, Misterrrrr, Kopi! »
.
.
Le soleil tape dans cette cuvette naturelle où la couleur sombre du sol et de la montagne emmagasine la chaleur. La lumière du ciel est aveuglante. Les couches de vêtements s'enlèvent vite. Et puis cette cendre, c'est comme du sable extrêmement fin, elle vole de partout, se colle sur la peau et bouche nos pores transpirants, s'incruste dans nos cheveux, pénètre dans nos appareils photos et au fond de nos sinus. Plus on s'approche, et plus la marche devient difficile.
Les derniers mètres sont vraiment pénibles. Lors de l'ascension du cratère, les pieds s'enfoncent comme dans de la farine (de blé noir, dirait un vrai breton), nos vêtement nous collent à la peau, la chaleur est suffocante...
.
.
.
Allez, courage Tina, plus que quelques mètres
.
.
Mais arrivés là haut, la récompense est de taille. Excitation soudaine. Accélération du pouls. Des frissons nous parcourent de la tête au pieds. Difficile de ne pas lâcher quelque juron, même pour une Madame Lequenoy, en se trouvant sur la crête, face à cet énorme trou béant à même la terre. Là, à nos pied, à quelques mètres, il crache de la fumée et gronde en permanence dans ses profondeurs. La pente vers le trou est raide. Comme pour beaucoup, et mon vertige n'aidant pas, mon réflexe est de me coucher pour admirer le spectacle. Pas envie de terminé cuit comme un oeuf dur!
.
Régulièrement, il se calme, laissant - paradoxalement - un inquiétant silence de plusieurs secondes. Les quelques voyageurs que nous sommes nous regardons, et retenons nos respirations, nous demandant tout à coup ce que c'était que cette folie, et si nous avons bien fait de venir jusque là... Puis cette bête énorme explose de plus belle, et lâche alors dans le ciel un énorme nuage de fumée grisâtre,, qui monte doucement, inondant le cratère sur lequel nous nous trouvons dans un brouillard de cendre et de poussière. Imaginez un énorme coup de tonnerre qui n'en finit pas, venant de sous vos pieds, faisant trembler le sol. Vue, ouïe, sensations physiques dues au vibrations du sol, odorat... Tous nos sens sont en alerte.
Difficile de ne pas se demander ce qu'il adviendrait du malheureux qui glisserait de cette crête d'à peine 50 centimètres de large par endroits. Certains ne tiennent pas deux minutes, et repartent aussitôt en bas du cratère - nous ne donnerons pas de noms, ils se reconnaîtront ;) D'autres – qui se reconnaîtront également - scotchent littéralement sur le bord, à attendre la prochaine explosion, et la suivante, et la suivante, sans se lasser, à être stupéfaits par l'ampleur du nuage qui sort de terre, à se demander ce qui peut provoquer autant de bruit, autant de force, ce qui peut exactement se passer en bas là bas.
..
Entre deux explosions, je tente une photo du "trou", qui, pour vous donner une idée de l'échelle, doit bien faire 30 mètres de diamètre!
.
.
Lorsque nous avons eu tout notre saoul d'explosions, de fumée et de poussière, nous repartons vers les cavaliers et la Jeep, nous retournant à chaque détonation. .
.
Puis nous remontons, ressortons de cet infernale cuvette, et rejoignons les quelques losmens (guest-houses familiales) de ce petit village d'une autre planète. Ici, nous nous sommes senti à tour de rôle en Amérique Latine (sur les pentes abruptes des montagnes), en Mongolie (en regardant tout ce vert et tous ces cavaliers), et sur la Lune.
.
Notre équipée se pose alors dans l'hôtel qui donne sur le volcan, pour avaler un brunch à l'indonésienne largement mérité. Café javanais, nouilles sautées, riz frit, soupe de poulet épicée, chips de crevette. Tous, dévorons nos assiettes comme des ogres.
Nous apprenons (par Virginie) que Blaise est écrivain voyageur, (il a notamment reçu le prestigieux prix Nicolas Bouvier pour son bouquin « Un billet aller-simple », entre autres). Maximum Respekt! Nous sommes fascinés et regrettons de ne pas avoir plus de temps pour parler d'un sujet qui nous passionne tous (Nathalie a consacré son mémoire de Master au récits de voyages). Mais ils (Blaise et Virginie) doivent reprendre une Jeep pour gagner Malang, un autre village de montagne.
Pour les curieux, voici son site web: http://blaisehofmann.com/
.
Une fois sortis du restaurant, vers 11h, les nuages ont entièrement recouvert le paysage. Le spectacle est terminé, la température commence déjà à redescendre. Tina et moi hésitons une minute a rester une nuit de plus, et puis décidons finalement de redescendre "à la ville".
Nathalie, Tina et moi faisons donc nos sacs et montons dans un bemo. Portes et fenêtres ouvertes, entassés à 20 dans la petite camionnette rouillée, les genoux compressés sur les banquettes étroites et trop rapprochées, nous descendons joyeusement les routes pentues de Java, avec les mamies locales, le toit chargé de paniers de légumes qui seront vendus au marché du bled un peu plus loin. Sur les "routes" couvertes de coulées de cendres, longeant d'effrayants précipices, ce bemo nous ramène, Inch'Allah, en bas de la montagne, à Probolinggo.
.
.
.
.
.
.
.
Je vous rassure, nous nous sommes beaucoup demandé si les freins (qui couinaient méchamment) allaient tenir, mais ils n'ont pas lâché. En repartant d'un volcan en semi-éruption, cela aurait vraiment été naze!
.
.
Ah ben je l'ai ma vidéo, ça m'apprendra à lire à rebrousse-poil !
RépondreSupprimerVisiblement, votre ascension crevante valait la peine de vivre une expérience pareille, ventre contre la terre et ses colères internes...